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— Du petit ! Qui ça ?

— Dame ! ton fils, M. Louis-Armand de Serville.

— Oui, c’est vrai ! Il va bien ?

— Fichtre ! l’amour maternel ne t’étouffe pas. Armand va à merveille ; c’est le plus futé et le plus joli gamin du quartier. Veux-tu le voir ? Il est là, chez une voisine.

— Non, pas maintenant ; j’ai à t’entretenir de tout autre chose.

— Ah ! Eh bien ! parle. On dirait que tu n’oses plus ?

— C’est que j’ai peur de…

— Peur de mon homme ? Pourquoi ?

— Parce que je ne voudrais pas qu’il sût rien de ce que je veux te demander.

— Je ne lui en dirai pas un mot.

— Me connaît-il ?

— Parbleu ! mais seulement de nom. Je ne pouvais lui dire que ton fils m’était tombé du ciel, pas plus que les cinq mille francs.

— Sait-il où je suis, ce que je fais ?

— Comment le saurait-il puisque moi-même je l’ignore ? Ah ! ma petite Rose, tu es joliment cachotière !

— C’est qu’un rien pourrait me perdre. Or, je veux arriver à tout prix.

— Mais il me semble que ça ne va pas mal !

Françoise, en s’exprimant ainsi, relevait le manteau de sa sœur, pour mieux admirer la robe de soie noire dont elle était habillée.

— Oh ! c’est plus que cela qu’il me faut, répondit Jeanne. Écoute-moi, je vais tout te dire.

— Tout ! Vrai, tout ?

— Tout ! D’abord, il y a de nouveau cinq mille francs à gagner pour loi.

— Ça commence bien !

— Je suis sur le point de me marier dans des conditions inespérées, comme je l’ai toujours rêvé. Lorsque je t’ai écrit, je venais d’entrer, en qualité d’institutrice, chez une jeune dame très souffrante. Elle est morte, son mari m’adore et m’offre de devenir sa femme.

— C’est charmant ! Je ne suppose pas que tu refuses. Il est riche ?

— Très riche : seulement, il ne me connaît que sous le nom de Jeanne Reboul, il ne sait de mon passé qu’une seule chose, c’est que j’ai été recueillie et élevée par Mme de Serville.

— Je pense bien que tu ne lui as pas raconté tes amours avec M.  Armand.

— Or, pour se marier, il faut des papiers, ou un acte de naissance, ou une déclaration d’enfant trouvé émanant soif de l’hospice où on a été déposé, soit des gens qui vous ont pris avec eux. Mon acte de naissance…