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généreusement de ses soins, et, deux heures plus tard, sans avoir prévenu son amant, Françoise partait pour Paris, en emportant dans ses bras le fils de sa sœur.

La mauvaise mère n’avait pas même embrassé cet enfant, qui n’était pas pour elle le fruit de ses entrailles, mais seulement l’instrument de sa vengeance dans l’avenir. Les sourires du pauvre petit être ne l’avaient pas un instant émue, Pour fuir ses caresses naïves, elle n’avait pas voulu faire route près de lui.

Le jour suivant, seule avec ses pensées, Mlle Reboul reprit la route de Douai, et lorsqu’elle y arriva, la supérieure de la Visitation ne crut lire sur les traits fatigués de sa jeune sous-maîtresse que la profonde douleur causée par la mort de sa bienfaitrice.

L’affection de la sainte femme pour Jeanne en augmenta d’autant, et il est alors facile de comprendre comment elle répondit d’elle, lorsqu’un an plus tard, M. de Ferney la lui demanda pour en faire l’institutrice de ses filles.

Tel était le passé de Jeanne, et c’était ce passé terrible, qu’elle oubliait au milieu de son odieux triomphe, qui s’était dressé subitement devant elle, au cimetière du Père-Lachaise, dans la personne de Justin Delon, l’amant si lâchement sacrifié à ses rêves ambitieux, le malheureux dont sa combinaison machiavélique avait fait un condamné pour vol !


VI

Un serment.



Après l’enterrement de Mme de Ferney, Mlle Reboul rentra à l’hôtel de Rifay et gagna immédiatement sa chambre, sans même s’informer des enfants. Il lui tardait d’être seule pour songer à la catastrophe qui la menaçait.

L’attitude et le ton de Justin lui avaient assez fait comprendre que cet homme, si odieusement trahi, — et il ignorait de quelle manœuvre infâme il avait été la victime, elle le pensait du moins, — allait lui demander un compte sévère du passé, et qu’elle ne s’en débarrasserait pas facilement.

Était-ce bien le hasard qui l’avait amené sur son chemin ? Qui avait pu l’instruire si exactement que, tel jour et à telle heure, il la trouverait au cimetière du Père-Lachaise ? Savait-il donc qu’elle était chez M. de Ferney ?

Maintenant qu’allait-il exiger ? Quel prix mettrait-il à son silence, à son éloignement surtout ; car elle ne voulait pas rester exposée à le rencontrer de nouveau.

Pour éviter cela, elle était prête à tout.