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La stupéfaction que causa à M. de Tiessant la conduite de sa fille ne saurait se peindre. Il la croyait à Londres depuis longtemps, et sa révolte contre l’autorité de son mari, surtout contre la sienne, lui semblait monstrueuse, inadmissible. Aussi, n’y pouvant croire, il voulut relire sa lettre une seconde fois. Cela fait, il s’écria, furieux :

— C’est sa sotte tante qui lui a mis martel en tête et dicté toutes ces niaiseries-là. Accompagnez-moi ; ce soir, vous repartirez avec votre femme, je vous le jure !

Le beau-père et le gendre prirent une voiture et se firent conduire rue d’Assas.

Lorsqu’ils y arrivèrent, il était onze heures du matin et Mme Berlin n’était pas seule, s’attendant peu à la visite qui la menaçait.

Rentré à Paris, après une absence de quelques jours, son voisin, Gilbert Ronçay, était venu prendre de ses nouvelles, et l’excellente femme, qui le traitait comme s’il fût son fils, lui avait aussitôt raconté par quel drame de famille son existence si calme était troublée.

Ronçay n’était pas seulement un fort beau cavalier d’une trentaine d’années, élégant, distingué ; c’était aussi un cœur romanesque, n’ayant pas effeuillé ses illusions à tous les vents de la tourmente parisienne. Rempli du feu sacré pour l’art auquel il s’était donné par vocation, car il jouissait d’une fortune indépendante, il vivait non pas en sage, dans l’acception rigoureuse du mot, mais en homme bien élevé à qui