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nature à lui faire oublier la violence morale dont elle avait été la victime, elle désirait recouvrer sa liberté. Elle était prête d’ailleurs à prendre avec celui dont elle portait encore le nom tous les arrangements acceptables qu’il proposerait pour que leur séparation ne fît ni bruit ni scandale et pour qu’il pût voir son fils aussi souvent qu’il le voudrait.

Elle termina même en assurant M. Noblet de ses sentiments respectueux et en lui exprimant tous ses regrets d’être forcée d’en arriver à une telle extrémité ; mais rien ne pourrait modifier sa résolution bien arrêtée de rompre avec une existence qui la conduirait fatalement au suicide ou à l’oubli de ses devoirs.

Et, comme si sa séparation fût déjà chose jugée, elle signa : Éva de Tiessant. Sa lettre, que Mme Bertin trouva parfaite, partit pour Londres le soir même.

L’effet produit par ces lignes si nettes, si précises, ne tarda pas à se manifester.

Le libraire de Coventry avait trop peu de fatuité et peut-être aussi une trop complète indifférence en cette matière pour avoir pensé un seul instant que sa femme l’adorait, mais il lui était bien permis de supposer qu’il ne lui était pas à ce point odieux, et il ne s’était pas imaginé non plus, ne l’ayant jamais entendue se plaindre, qu’elle fût si malheureuse avec lui.

Parfois, il est vrai, il l’avait trouvée taciturne, même un peu sérieuse pour son âge ; mais comme il était lui-même flegmatique et grand ami du calme, il avait cru qu’Éva tenait cette façon d’être de son ca-