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que ce soit. Ce qu’il faut à ta jeunesse, précisément à ta jeunesse, c’est un homme sérieux, sage et fort pour deux, afin de t’initier graduellement à une existence nouvelle, faite de droits et de devoirs qui te sont inconnus. Si tu avais quelques années de plus, je comprendrais ton objection. Tu pourrais en quelque sorte n’avoir pas tout à demander à l’expérience d’autrui ; elle te serait moins indispensable ; mais puisque la mauvaise fortune nous force à nous séparer de toi, il est incontestable que tu ne saurais mieux trouver. Le mari que je t’offre ne te paraît trop âgé que parce que tu es trop jeune ; mais il saura gagner ta tendresse par ce soin de plaire qui, chez les époux aimants, intelligents et bons, croît en raison directe du peu de droit qu’ils sont, à cause de leur âge, à supposer qu’ils peuvent être aimés pour eux-mêmes.

À force d’entendre toutes ces choses, dont elle ne se doutait guère, Éva finit par être convaincue qu’elle avait tort et n’était que ridicule, et quand elle eut compris, en outre, que son mariage délivrerait son père d’une situation pécuniaire humiliante, dangereuse même, elle ne crut pas devoir résister plus longtemps, par amour filial et aussi un peu par orgueil.

Néanmoins, elle ne dit pas : oui ; elle se contenta de ne pas dire : non ; mais M. de Tiessant profita si habilement de cette lassitude de sa fille, il la grisa si complètement avec de sonores paroles, il abusa si bien de sa naïveté qu’un matin, sans qu’elle se fût