Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naturel de l’inconnu. Mais il ne fallait pas pousser ces sentiments-là à l’extrême, sous peine de rendre malheureux soi-même et les autres.

Le mariage est d’institution divine. Dieu a dit à la femme : Tu quitteras ton père et ta mère pour suivre ton époux. En échange de l’obéissance que le mari demande à sa compagne, est-ce qu’il ne la protège pas, ne lui donne pas le bien-être, ne la fait pas sortir de la servitude de l’enfance ? N’est-ce donc rien pour une jeune fille de ne plus être l’esclave de ces conventions sociales qui lui défendent tant de choses, de pouvoir aller et venir en liberté, de diriger sa maison, de commander à son tour ? N’est-ce donc rien pour l’enfant, qui parfois est une lourde charge pour le chef de famille, de l’affranchir de cette charge et d’entrer dans une situation nouvelle, où elle peut prouver que son affection est désintéressée, faite seulement de reconnaissance pour le passé ?

C’était, à la fin de chaque repas, en toute occasion, des raisonnements spécieux du même genre, que Mme  de Tiessant écoutait avec admiration et qui calmaient un peu Éva ; si bien que le jour où son père lui apprit lui-même que le mari qu’il lui destinait était Henri Noblet, elle ne fut plus tant effrayée du mariage que de l’époux, et qu’elle se hasarda seulement à s’écrier : « Il a le double de mon âge ! »

Mais L. de Tiessant prévoyait cette exclamation et avait des arguments tout prêts pour la combattre. Il se sentait d’ailleurs sur un terrain favorable, sachant qu’il n’avait à lutter contre aucun souvenir, aucun de