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— Que voulais-tu que je fisse ? Il est encore préférable que Blanche suive sa vocation plutôt que d’entrer comme institutrice dans quelque maison d’éducation pour y gagner des appointements ridicules ; ce que tu seras obligée de faire si tu refuses le mari qui se présentera peut-être bientôt pour t’épouser sans dot, pour tes beaux yeux !

— Un mari, à moi !

Éva fixait son père de ses regards loyaux, limpides, étonnés. Il n’était pas possible qu’elle eût bien entendu ! Elle n’avait pas seize ans, et, si gracieuse, si adorablement jolie qu’elle fût, avec sa bouche mutine, les longs cils recourbés qui frangeaient ses paupières et ses bandeaux à la vierge, qu’elle conservait avec soin, car, dans sa coquetterie un peu mystique, elle aimait à s’entendre appeler : la petite madone, elle semblait encore une fillette.

Et on lui offrait un mari ! Oh ! cela n’éveillait en elle aucune idée d’appartenir à quelqu’un. La virginité de son esprit était immaculée ; elle ne savait pas ! Un mari, c’était quelque chose qu’on donnait aux grandes personnes seulement. Aussi répétait-elle, en souriant à travers ses larmes :

— Un mari, à moi !

Et se dressant sur la pointe de ses pieds mignons, elle s’efforçait de se voir tout entière dans la glace placée au-dessus de la cheminée, comme pour bien s’assurer que ce ne pouvait être à elle, si frêle, si petite, qu’on parlait ainsi.

Mais tout à coup, dans cette glace où, elle se re-