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nomie ignoble des endroits les plus mal famés de Paris.

La famille occupait un logement meublé composé de trois à quatre pièces, nues, froides, tristes, éclairées par d’étroites fenêtres à guillotine, auprès desquelles Blanche et Éva se tenaient tristement des après-midi entières, leurs grands yeux fouillant le brouillard opaque comme pour y chercher, ainsi que dans un rêve, quelque silhouette du brillant passé parisien où elles avaient vécu.

Excellentes musiciennes, elles n’avaient pas même un piano pour rompre la monotonie des interminables journées. Pour la jolie Éva, jamais une fleur, jamais une rose, même des plus modestes. C’était là vraiment l’exil !

Elles ne connaissaient personne et ne sortaient régulièrement que pour se rendre presque tous les matins à la chapelle catholique de Saint-Martin’s lane, tout près de Leicester-Square. Leurs plus longues promenades ne les conduisaient pas au delà de Hyde-Park, à dix minutes de leur rue. C’est à peine si quelques journaux français entraient à la maison, où le père se montrait de plus en plus sombre, parce que la lutte contre les difficultés matérielles devenait chaque jour plus difficile pour lui.

Louis de Tiessant n’avait pas interrompu sa collaboration à certaines publications françaises et il gagnait même quelque argent à faire des traductions, mais tout cela suffisait à peine à l’entretien du