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dans la route qui conduit l’écrivain à la renommée orageuse, à la Cour d’assises et au guet-apens, si ce n’est à l’hôpital.

Bientôt on accusa le journaliste de faire métier de chantage, ce qui était inexact ; il avait pour cela trop d’entêtement et d’orgueil, et ses procès, ses duels, ses condamnations se succédèrent à ce point que, moins de trois ans après son entrée en campagne contre les idoles parisiennes, il aurait pu s’écrier comme saint Paul : Croyez-moi, car je suis souvent en prison.

En effet, il ne sortait guère de Sainte-Pélagie que pour y retourner, car, même sous les verrous, il n’interrompait pas la publication de ses biographies, de plus en plus ardent à la lutte, cessant d’être impartial, passant de la diffamation, qui arrache lâchement le masque aux coupables dont la dette est payée, à la calomnie qui essaie de souiller les honneurs intacts.

Alors Louis de Tiessant n’eut plus de défenseurs. Après avoir ri des autres, chacun commença à craindre pour soi ; on cessa de lui savoir gré des vérités mises à nu, des fausses gloires détruites, des hontes révélées ; on lui en voulut, un peu trop tard, de s’être attaqué à un colosse littéraire dont, il est vrai, il avait tenté vainement d’ébranler le monument gigantesque. Il devint une sorte d’ennemi public, et le jour où, à la suite d’un pamphlet contre le chef de l’État, il fut condamné à deux ans de prison, tout le monde, sauf l’opposition, applaudit.