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affirmant chaque jour son incontestable talent de publiciste.

Les choses en étaient là, et notre héros n’avait qu’à suivre tout droit sa route pour arriver rapidement à une véritable célébrité, à la fortune, lorsque, tout à coup, soit par ambition, amour du bruit ; soit qu’il y fût entraîné par son tempérament autoritaire, violent, jaloux de la gloire d’autrui ; soit même par un incompréhensible don quichottisme le poussant à combattre ce qu’il croyait faux et injuste, il se fit pamphlétaire ; non pas à la manière de Paul-Louis Courier et de Timon, c’est-à-dire s’attaquant aux choses et aux institutions plutôt qu’aux personnes, mais pénétrant dans la vie privée des individus, pour peu qu’ils appartinssent au monde des lettres, des arts, de la politique, de la finance, et livrant leurs vices, leurs ridicules, leurs fautes à la malignité publique. Cela dans un style tout à la fois mordant, sérieux, plaisant, agressif, avec force anecdotes à l’appui, et bien dans le goût français, qui n’aime réellement que ce qui est clair et léger.

Le pamphlet étant par excellence œuvre populaire et d’actualité, et le plaisir malsain d’entendre dire du mal des autres, au risque d’entendre dire un jour du mal de soi, étant d’essence humaine, les brochures de Tiessant eurent en peu de temps une vogue immense ; mais si elles rapportèrent beaucoup d’argent à leur auteur, elles eurent aussi pour conséquence immédiate de troubler complètement sa vie, et de le faire entrer, selon l’expression de M. de Cormenin,