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jeune femme, car sa pâleur, son mutisme, tout en elle l’épouvante ; mais elle le rassure d’un sourire, et l’artiste tend alors sa lettre d’audience au camérier qui s’est avancé vers lui.

Après en avoir pris connaissance, l’officier de la chambre s’incline et, sans dire un mot, fait signe au sculpteur et à sa compagne de le suivre.

Ils entrent alors, par la gauche, dans l’appartement particulier du Saint-Père, et traversent trois grands salons dont les parquets sont recouverts d’épais tapis et les fenêtres garnies de hauts rideaux de soie blanche, et où les sièges, rangés le long des murailles tendues de merveilleuses tapisseries, sont alternativement des chaises capitonnées de satin et des escabeaux de bois. Puis ils s’agenouillent sur le seuil de la chapelle privée où le Pape entend et dit une messe tous les matins, passent par la salle du Trône, et arrivent enfin dans le petit salon d’attente qui précède la pièce où se tient Pie IX.

De cette partie du palais, les regards découvrent un panorama immense, sévère, triste, presque lugubre. De ses fenêtres, l’auguste prisonnier peut parcourir des yeux la ville sainte qui lui a été ravie.

Mais, ce jour-là, c’était seulement par intermittence, au milieu des nuages déchirés par la foudre et au travers du voile d’une pluie diluvienne, qu’on pouvait reconnaître, en bas, sur le premier plan, la masse énorme et confuse du fort Saint-Ange, relié au Vatican par les débris de l’ancienne enceinte Léonine ; plus loin, à droite, les arbres centenaires du