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Me  Dufray avait fait signe aux employés des Pompes funèbres, ils avaient apporté leur horrible bière tout près de celle où reposait Éva, au milieu des fleurs, et déjà ils se penchaient pour l’enlever de leurs mains crasseuses, lorsque tout à coup, Pierre, se jetant sur eux, les repoussa en leur disant :

— Oh ! pas vous ! Non, pas vous !

Et avant que personne ait eu le temps de se joindre à lui, le brave Africain souleva sa maîtresse et la coucha doucement, tout doucement, son oreiller de dentelles sous sa tête, sur la sciure de bois du cercueil des pauvres.

Ensuite, éloignant d’une main les croque-morts, il prit de l’autre, dans le coffre d’acajou, des poignées de roses qu’il jeta sur le corps d’Éva. Puis il saisit le couvercle, le plaça lui-même, s’empara d’un marteau que tenait l’un des employés, et alors fiévreusement, avec une sorte de rage, frappant à coups redoublés, il ferma la bière. Cela fait, il se redressa, frémissant, superbe, en ayant l’air de dire à ceux qui allaient emporter la morte :

— Oserez-vous y toucher maintenant !

Par les fenêtres grandes ouvertes et du seuil de la pièce, la plupart des amis de Ronçay avaient assisté à cette scène. Leur émotion était indescriptible. Le nègre leur semblait une sorte de héros shakespearien. On l’entourait pour lui serrer les mains avec effusion. Gilbert seul restait atterré, ne paraissant ni voir, ni entendre.

Bernel l’entraîna. Les porteurs venaient de des-