Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/363

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ne puis plus être à lui. J’en ai fait le serment ! D’ailleurs, lui, il ne voudrait pas de moi ! Or il est jeune, robuste, il vit dans un état de fièvre et d’exaltation qui souvent, chez les hommes, éveille les désirs. Il va fréquemment à Paris. Eh bien ! ses absences m’épouvantent. J’ai peur que quelqu’un ne cherche à le distraire et ne lui conseille de tenter d’oublier pendant quelques instants, dans les bras d’une autre que moi, l’existence horrible que je lui fais et les privations que je lui impose. Ah ! ce n’est pas l’infidélité brutale dont il se rendrait coupable que je redoute ; ce sont les suites que pourrait avoir une liaison, si passagère qu’elle serait. S’il allait laisser à une autre une parcelle de son cœur ! Si une autre allait m’enlever son amour, sa tendresse ! Alors, vois-tu, Jeanne, il faudrait qu’il trouvât ici ce que je ne peux plus lui donner : l’apaisement des sens ! Tu es jolie, offre-toi à lui. Il ne te résistera pas. Mais tu ne l’aimeras pas, tu ne le laisseras pas t’aimer ? Je t’en conjure, fais cela pour moi ! J’éprouve, certes, une horrible douleur à penser qu’une autre que toi… Mais il ne s’éloignera plus d’ici, lui ; je ne craindrai plus qu’on me le vole ! Il prendra mes souffrances moins en haine et je n’aurai plus ces terreurs qui me torturent et rendent mes derniers jours plus épouvantables encore !

— Pauvre adorée ! Et vous avez accepté ?

— Il l’a bien fallu ! Est-ce que vous avez jamais résisté, vous à un seul de ses désirs ? Elle me demandait cela de sa voix si douce, de ses regards