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fille qui était du peuple et n’avait jamais suivi que l’école des Sœurs, s’était formée. Vive et accorte, véritable soubrette de Molière par l’esprit et par l’allure, elle était arrivée à ne pas être tout à fait étrangère aux choses du théâtre ni à celles de l’atelier, et comme elle avait donné de nombreuses preuves de dévouement aux deux amants, ils autorisaient de sa part une sorte de familiarité dont elle avait le bons sens, d’ailleurs, de ne jamais abuser.

Jeanne était donc plus qu’une servante ordinaire ; c’était aussi une compagne précieuse pour Mme  Daltès, que ses pérégrinations artistiques à l’étranger et de ville en ville condamnaient à un isolement relatif, puisque le temps lui manquait pour se créer des relations nouvelles. Aussi peu à peu, surtout depuis qu’elle était si gravement atteinte, sa femme de chambre s’était-elle transformée, en confidente, presque en amie.

S’efforçant toujours de paraître gaie, Jeanne, d’accord avec Éva, mentait pour ne pas effrayer Gilbert, et, d’accord avec Gilbert, mentait encore pour rassurer Éva. En sorte que, plus complètement même que les acteurs de ce drame intime, elle en connaissait toutes les angoisses. C’est sans doute parce qu’il en était ainsi, qu’elle avait dit, après l’éloignement de Ronçay, qu’il était encore le plus à plaindre des deux.

Elle était ensuite descendue donner l’ordre de faire avancer une voiture.

Quelques minutes plus tard, en remontant, elle