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embarcations et les chalands qui sillonnaient la Marne, et parcourir du regard, jusqu’au champ de bataille de Champigny, la campagne de la rive gauche, dépouillée de ses grands arbres par les vandales prussiens.

Un petit chemin sablé et serpentant à travers les massifs conduisait de l’habitation à ce kiosque.

Bien que ce fût déjà beaucoup, en raison de son état de santé, que d’être venue de Paris à Nogent, Mlle  de Tiessant voulut parcourir le parc et la maison le jour même de son arrivée, et elle employa à cette visite, qui la remplit de joie, une partie de l’après-midi. Mais quand vint le soir, après le dîner, elle dut se résigner à s’étendre sur une chaise longue, auprès de l’une de ses fenêtres, d’où elle voyait Blanche se rouler sur le gazon, et Gilbert, que Bernel tenait par le bras, en lui racontant sans doute quelque plaisante histoire, car ils riaient tous deux, peut-être seulement, il est vrai, parce qu’ils se savaient surveillés.

Ce tableau charmant de jeunesse et de gaîté, que complétait à ravir la poésie de la nuit qui tombait, les parfums des fleurs des corbeilles, les refrains joyeux des canotiers dans le lointain, tout cela plongeait Éva dans une sorte d’ivresse bienfaisante.

Il lui semblait qu’elle ne souffrait plus, que des horizons de bonheur lui apparaissaient de nouveau, qu’elle n’avait jamais été malade, n’avait fait qu’un mauvais rêve, et ses yeux demeuraient fixés avec amour sur celui à qui elle s’était donnée, quand sou-