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que la comédienne lui offrait, et il sortit, accompagné de Gilbert, qui voulait le conduire jusqu’à la porte de l’hôtel, pour lui exprimer encore, lui aussi, toute sa reconnaissance.

Quelques minutes après, lorsque Ronçay rentra chez Éva, il la trouva si calme, si souriante qu’il sentit se dissiper un peu les appréhensions qu’avait fait naître en lui l’audience de Pie IX. La maladie cruelle qui la minait, et dont on n’arrivait à amoindrir les atroces souffrances que par des piqûres de morphine, lui laissait çà et là quelques heures de calme, sans qu’il fût possible aux médecins de déterminer bien nettement le pourquoi de ces trêves. Ils en étaient réduits à les attribuer à une sorte de détente du système nerveux, et ils leur donnaient aussi des causes morales, ainsi d’ailleurs que cela se produit fréquemment dans les affections où l’état d’esprit du patient joue un grand rôle. Or la jeune femme était dans un de ces moments de repos ; Gilbert espérait donc que la journée serait doublement bonne pour elle.

Aussi se mirent-ils à table plus joyeux que cela ne leur était arrivé depuis bien longtemps. Par un accord tacite, ils ne causèrent que de choses à peu près insignifiantes, et quand Mme  Daltès eut terminé son repas d’œufs, de laitage et de fruits, sa seule nourriture depuis plusieurs semaines, elle se leva, vint à son amant et se penchant vers lui :

— Maintenant, dit-elle, je vais me faire belle pour le Souverain-Pontife, mais avant, embrasse-moi