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du Souverain-Pontife que tout le monde s’attendait à lui voir demander le baptême. Le rêve de l’Abbaye-aux-Bois allait enfin se réaliser. Chateaubriand et Mme Récamier allaient donc être les parrains d’Hermione. C’était compter sans les instincts de sa race ou plutôt sans les révoltes de ses croyances. En effet, tout à coup, au moment où les grands yeux de Rachel, qui traversait les jardins à pas lents, ne semblaient levés que vers le ciel, ils aperçurent un oranger couvert de fruits. Alors, sans hésiter une seconde, elle s’élança, arracha vivement de l’arbre une orange, y mordit à belles dents et, cela fait, s’écria avec un geste de désespoir des plus comiques : « Allons, je le vois bien, il restera toujours en moi quelque chose de la Juive ; voilà que j’ai volé le Pape ! Je ne puis plus songer maintenant à me faire chrétienne ! » Et l’illustre artiste, qui n’avait, c’est probable, ni parlé ni agi aussi naïvement qu’elle voulait le faire croire, resta israélite.

— Eh bien ! Monseigneur, vous pouvez être certain que je ne volerai pas d’oranges au Saint-Père ; ce sera déjà bien assez de lui voler un peu sa bénédiction !

— Avec ma complicité, soit !… je ne m’en défends pas. Souvenez-vous que vous devez être au Vatican à deux heures. Tenez, voici l’orage qui monte ; j’aurai bien juste le temps d’arriver à la porte Pia avant qu’il éclate. Je me sauve !

— Encore une fois, merci !

Le prince serra avec bienveillance la petite main