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Cela l’avait prise à cinq heures ; elle venait de se mettre à table. Tout à coup, au moment où elle portait à sa bouche sa première cuillerée de potage, elle était restée immobile, avait ressenti à la poitrine une douleur profonde et, sans perdre connaissance, comme une suspension subite de toutes les fonctions vitales, mais cela n’avait duré que quelques minutes. Le médecin du théâtre, appelé immédiatement, avait ordonné des sinapismes, des frictions sur l’estomac, une potion calmante et il s’en était allé, en affirmant que ce n’était qu’une espèce de névralgie et, que, dans quelques heures, il n’en resterait aucune trace.

La jeune femme, en effet, ne souffrait plus ; elle n’était que très faible, mais elle eut une nuit excellente. Le lendemain matin, elle se souvenait à peine de ce qui s’était passé et, le soir même, elle reprenait son service, aussi gaie, aussi bien portante qu’avant ce petit accident.

Ronçay partit donc sans l’ombre d’inquiétude et comme le docteur Bernel n’était pas à ce moment-là à Paris, il ne lui parla pas même, lorsqu’il y revint, de la santé de Mlle  de Tiessant.

Deux mois plus tard, son engagement expiré, Éva rentra à son tour au boulevard des Invalides, mais elle eut à peine le temps de s’y réinstaller, car le directeur du théâtre de Dieppe, qui l’avait vue jouer à Bordeaux, vint lui proposer, à de fort belles conditions, d’être sa pensionnaire pendant la saison.

Accepter, c’était dire adieu pour cette année-là à