Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exposait à toutes les tentatives galantes de ces Lovelaces de province pour qui les comédiennes sont chair à plaisir et auxquelles ils n’accordent leur protection, trop souvent indispensable, qu’en échange des complaisances qu’elles veulent bien avoir pour eux.

À partir de ce moment, le créole ne quitta plus, pour ainsi dire, le chemin de fer d’Orléans. Toutes les semaines, il prenait le train et arrivait brusquement à Bordeaux, parfois lorsque Éva était déjà au théâtre, où il lui apparaissait tout à coup, à l’orchestre, au lever du rideau, sans qu’elle s’attendît à le voir, ou dans sa loge, où elle le trouvait en sortant de scène.

Les premières fois, Mlle de Tiessant gronda un peu son amant de venir ainsi la surprendre, en jaloux soupçonneux, puis, comme elle était irréprochable, elle s’accoutuma à ces arrivées subites, et même bientôt elle en éprouva de telles émotions passionnées, qu’elle en arriva presque à en vouloir à Ronçay quand il restait trop longtemps à se faire désirer.

Trois mois s’étaient ainsi passés quand un jour que, venu par le train du soir, il s’était rendu tout droit au théâtre, Gilbert lut sur l’affiché : « Par indisposition subite de Mme Daltès, changement de spectacle. » Effrayé, il sauta en voiture et se fit conduire aux allées de Tourny, où il trouva sa maîtresse couchée et vraiment très souffrante.

Elle pouvait à peine parler. Ce fut Jeanne qui lui raconta ce qui lui était arrivé.