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honnêtement ? Ce serait compter sans les directeurs et sans les jalousies de métier. Il y a certes, parmi les directeurs de théâtre, des hommes intelligents, lettrés, respectueux de l’art et qui sont en même temps de fort braves gens, d’une probité à l’épreuve, incapables d’une action honteuse. Ceux-là, tout le monde les connaît et les estime. Mais combien d’autres sont différents, se soucient de la littérature comme un goujon d’une pomme, et ne voient dans leurs pensionnaires que des instruments de fortune, qui doivent coûter le moins possible, afin de rapporter davantage ; instruments auxquels, lorsqu’il s’agit des femmes, ils s’imaginent même avoir le droit de tout demander, tout ! Sultans au petit pied ou plutôt au pied plat, ils ont un théâtre comme un négociant de Stamboul a un sérail, et ils exigent que les malheureuses auxquelles ils paient, quand ils les paient, des appointements ridicules, aient des toilettes irréprochables. N’est-ce pas un de ces marchands de chair humaine, directeur cependant, celui-là, d’un des plus importants théâtres de Paris, qui répondit un jour à sa propre nièce — la fillette, aujourd’hui très grande artiste, à laquelle il donnait cent francs par mois, se plaignait de ne pouvoir acheter une robe neuve : — Et les avant-scènes !

— C’est horrible !

— Oui, vous avez raison. Laissons ces turpitudes qui, d’ailleurs, ne vous menacent pas, puisque vous ne serez jamais aux prises, vous, avec ces tristes difficultés d’argent ; mais il y a autre chose encore :