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de M. Noblet. Il ne connaissait que sa beauté, sa douceur, sa résignation, le charme de son esprit, la pureté de son cœur. Il était loin de se douter, quelques preuves d’énergie qu’elle eût données dans sa lutte contre son père, qu’il y eût en elle une seconde créature qu’il ignorait. Aussi marcha-t-il rapidement de surprise en surprise.

Dans cette atmosphère de liberté où elle respirait à l’aise, allait et venait à son gré ; sous l’influence des brises vivifiantes du large, dans le spectacle de cette immensité vivante de l’Océan, Mlle  de Tiessant se réveillait en quelque sorte de son sommeil de cinq années pour retrouver ses aspirations viriles de jeune fille, pour se reprendre à aimer les exercices violents et sains qui avaient fait partie de son éducation et que l’exil de son père avait interrompus. La femme surgissait brusquement en elle.

La première fois qu’en compagnie de Ronçay elle se jeta à l’eau, il poussa un cri d’effroi en la voyant disparaître sous les lames, puis il l’admira dans sa grâce vigoureuse à lutter contre les flots ; et le jour suivant, lorsque sur la grève, à la marée basse, elle lança son cheval au galop, solide sur sa selle, intrépide, calme, domptant sa monture de sa petite main nerveuse, il sentit que des sentiments tout nouveaux s’agitaient en lui. La timide enfant qu’il avait protégée, puis aimée d’une affection dévouée, sans partage, à laquelle enfin il avait donné tout son cœur, disparaissait pour faire place à un être troublant pour qui le mot tendresse semblait ne plus suffire !