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— J’en éprouverais un immense chagrin et je maudirais ton talent, voilà tout ! Mon amour est fait d’égoïsme, je l’avoue ; je te veux pour moi tout seul ! Mais je suis fou ! Pardonne-moi. Ah ! c’est que vraiment tu m’as fait peur !

Heureusement que le docteur Bernel, qui voulait lui aussi complimenter Zanetto, l’interrompit, car la jeune femme était à ce point émue des paroles de son amant qu’elle n’aurait pu lui répondre sans se trahir.

Mais si Éva échappait pour cette fois à une explication, il ne lui était pas bien difficile de tirer de cette petite scène intime la déduction que, le moment venu, les choses ne marcheraient pas toutes seules. Or cela la préoccupait beaucoup, d’abord parce qu’elle ne craignait rien tant que de déplaire à Gilbert, et ensuite parce qu’elle sentait que ce ne serait pas sans un très vif regret qu’elle renoncerait au théâtre.

L’assurance qu’on ne cessait de lui donner de l’avenir brillant qui l’attendait commençait à la griser. Il y avait en elle un peu de l’ambition et de l’orgueil de son père ; en sorte que ce n’était plus seulement par dignité qu’elle aspirait à se faire une grande situation artistique, mais aussi, sans qu’elle s’en doutât, inconsciemment, parce que l’amour de la gloire s’éveillait en elle.

La nièce de Mme  Bertin se demandait donc avec inquiétude comment elle parviendrait à sortir de cette impasse ; mais comme les beaux jours étaient