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À cette pensée qui lui vint bientôt et la fit trembler d’effroi, la nièce de Mme Bertin résolut de ne rien dire à son amant, mais elle résolut en même temps d’apporter dans son existence des changements qui ne permettraient plus à son père ni à personne de lui jeter à la face certains outrages.

Oh ! de son amour pour Gilbert, de s’être donnée à lui et qu’on la nommât sa maîtresse, elle n’en rougissait pas ! Ces choses, on pouvait les lui dire bien haut ; elle en ressentait même de l’orgueil. Mais M. de Tiessant avait raison : quand on était, comme elle, jeune, forte, instruite, ce n’était pas de sa beauté qu’il fallait vivre, auprès d’un homme auquel vos soins de chaque instant n’étaient pas nécessaire, mais d’un travail honnête, qui vous laissât indépendante et vous permît de marcher fièrement.

Et certes, cependant, tout ce qui touchait à la question d’argent entre elle et Ronçay était traité par celui-ci avec la délicatesse que les hommes bien élevés et aimants savent y apporter. Éva dirigeait la maison, réglait avec les domestiques, payait les fournisseurs, et son ami ne permettait pas qu’elle lui rendît des comptes, trouvant incroyable qu’elle arrivât à dépenser si peu.

Quant à ce qui concernait son entretien particulier, Mlle de Tiessant n’avait jamais le temps de désirer : Gilbert, grâce à la complicité de Jeanne, savait toujours par avance ce dont elle avait besoin, et Mme Bertin faisait à chaque instant des cadeaux à celle qu’elle considérait comme son unique héritière.