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et elle disait juste, comme les artistes qui sont musiciens et savent chanter. De plus, la rampe donnait à sa beauté un éclat nouveau et elle paraissait vraiment animée du feu sacré.

— Quel dommage que votre père ne vous ait pas fait entrer au Conservatoire, lui dit, un jour qu’elle avait joué à ravir un proverbe de Musset, le directeur de l’une de nos premières scènes de genre ; vous seriez aujourd’hui l’une des meilleures comédiennes de Paris !

— Oh ! vous exagérez bien un peu, répondit-elle en riant ; mais ce dont je suis certaine, c’est que M. de Tiessant m’aurait crue damnée si j’étais montée sur les planches. Il aurait préféré me voir morte !

— Comment ! lui, un romancier, un auteur dramatique !

— Mais un père impitoyable, j’en sais quelque chose !

— Ah ! c’est vrai, je vous demande pardon !

La jeune femme secoua la tête, comme pour en chasser le douloureux souvenir que le nom seul de M. de Tiessant y avait ramené, et elle reprit bien vite, avec enthousiasme :

— C’est cependant bien beau d’avoir du talent, d’éveiller dans l’âme d’autrui les sentiments qui agitent votre âme, de faire pleurer, d’être applaudie ; et aussi enfin, d’être quelque chose par soi-même ! Tenez, ici, ce n’est rien ; tous nos amis sont indulgents, et quand ils me crient : bravo ! je sais bien qu’il y a là, de leur part, beaucoup de galanterie. Eh bien ! c’est