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La reconnaissance d’un enfant adultérin étant interdite par la loi et cet acte ne donnant d’ailleurs à tout enfant qu’un état civil irrégulier qui limite ses droits d’héritier, le vieil avocat avait pensé qu’il était préférable de déclarer la fille d’Éva avec cette mention : Père et mère inconnus. M. Ronçay pourrait ainsi l’adopter un jour, c’est-à-dire lui créer la situation complète d’un enfant légitime.

En attendant, il s’était contenté d’en être le parrain. Mme  Bertin en avait été la marraine.

Tout d’abord, après la guerre, le faux ménage avait vécu dans un isolement relatif, ne recevant que quelques intimes, le docteur Bernel entre autres, tout naturellement ; puis ses relations s’étaient étendues peu à peu, et à l’époque où nous le retrouvons, l’atelier du boulevard des Invalides était devenu ce qu’avait été celui de la rue d’Assas, c’est-à-dire un centre de réunion d’artistes et de littérateurs, un salon spirituel et gai, dont la fille du publiciste faisait les honneurs avec un tact parfait, n’affichant ni une pruderie ridicule ni une réserve qui n’eût donné le change à personne, et sachant aussi se garer d’un sans-gêne compromettant.

Aucun des habitués de la maison n’ignorait sa liaison avec Gilbert, mais ils évitaient avec soin d’y faire la moindre allusion, et tous, même les plus familiers d’entre eux, ne témoignaient que respect et affection à celle qu’on ne nommait jamais que Mlle  de Tiessant.

Ronçay était donc parfaitement heureux. Passionné-