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subi, sans prévoir ce qu’il aurait d’horrible, c’est qu’elle avait espéré en être délivrée par la loi, afin de n’être pas forcée de perdre son âme, en s’en affranchissant par la mort, qui, de plus, l’aurait séparée de son enfant !

Or, cet enfant pour qui elle avait voulu vivre, on le lui volait. Elle avait donc le droit de mourir, puisque rien ne la rattachait plus à la terre !

Rien ? Et Mme  Bertin, dont elle avait si complètement troublé l’existence et qui l’aimait comme si elle était sa propre fille ! Est-ce qu’elle pouvait la laisser seule ? Et M. Ronçay — elle n’osait pas dire Gilbert — ne souffrait-il pas, lui aussi ? Était-il en son pouvoir d’oublier ses marques d’affection, de ne pas tenir compte de la place qu’il avait prise si brusquement dans sa vie ? Lui dont on avait fait son complice et qui avait accepté ce rôle par son ordre même, était-il loyal de l’abandonner aux remords de cette complicité imposée, et dont les conséquences étaient si terribles ?

Est-ce que chaque fois que sa tante était venue la voir il ne lui avait pas été facile de comprendre qu’elle n’arrivait pas seulement chargée des roses de son jeune ami, mais encore de douces paroles, qu’elle ne lui avait redites qu’à demi pour ne pas rendre sa détention plus douloureuse encore.

Car M. Ronçay l’aimait ! Tout ce qui s’était passé entre eux l’affirmait. Noble cœur ! comme il était digne d’être aimé ! Sans hésitation, sans souci de ce qu’il adviendrait de sa soumission, il avait obéi.