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lonté ; elle se croyait le jouet d’un épouvantable cauchemar. Elle descendit ainsi jusqu’au vestibule, où son guide la confia à un gardien. Celui-ci la conduisit jusqu’à la porte de la rue. Là seulement le bruit et le grand jour la rappelèrent à la réalité.

Cependant elle n’aurait pas reconnu la voiture dans laquelle elle était venue, si son cocher, qui guettait la sortie de Saint-Lazare de ses voyageuses, ne l’avait pas interpellée en ces termes :

— Eh ! ma bonne dame, c’est moi ! Tiens, vous êtes seule ? Est-ce que la jolie jeunesse ?

Il compléta sa phrase par une torsion de la main qui peignait à merveille le mouvement qu’on fait en fermant une serrure ; mais en voyant que sa vieille cliente pleurait, il reprit avec compassion :

— Sapristi ! c’est dommage tout de même ! Enfin ! Retournons-nous rue de Sèvres ?

— Non, répondit Mme Bertin ; 120, rue d’Assas.

Elle se hissa lourdement dans le fiacre dont le cheval poussif s’éloigna en trottinant du lieu maudit.

Quant à Éva, en voyant sa tante disparaître, elle s’était écriée : « Elle ne souffre pas moins que moi ! » Puis, lorsque quelques instants se furent écoulés, comme si toute l’horreur de sa situation lui apparaissait enfin, elle se laissa tomber sur une des chaises de paille de sa cellule, en gémissant dans un frisson de honte :

— À Saint-Lazare, à Saint-Lazare !

Aussitôt sœur Sainte-Marthe, qui ne l’avait pas quittée, se rapprocha d’elle pour lui dire :