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l’hôtel à la grande porte voûtée donnant sur la place, et chaque fois que sa course le ramenait au seuil de la maison, il jetait à droite et à gauche, vers les rues adjacentes, des regards inquiets ; puis il reprenait sa marche, en levant parfois les yeux sur les fenêtres de l’un des appartements, au premier étage, et sa physionomie reflétait alors un inexprimable sentiment de pitié.

Cela durait depuis assez longtemps déjà quand, soudain, après avoir fait volte-face, au fond de la cour, notre promeneur leva les bras avec un geste tout à la fois d’appel et de satisfaction. Il venait enfin d’apercevoir, franchissant la porte de la rue, celui qu’il guettait et qui, en le reconnaissant à son tour, courut à sa rencontre.

L’arrivant, Gilbert Ronçay, ancien pensionnaire de la Villa Médicis, sculpteur déjà célèbre, bien qu’il n’eût guère que trente-quatre à trente-cinq ans, était élégant, élancé, d’une beauté correcte ; mais ses traits fatigués, ainsi que le cercle bleuâtre qui cernait ses yeux noirs le faisaient paraître d’une pâleur maladive, et sa bouche, sous sa fine moustache brune, avait un rictus douloureux qui frappait.

— Vous m’attendiez, monseigneur ? demanda-t-il avec un accent d’excuse à celui qu’il avait rejoint.

— Depuis vingt bonnes minutes au moins, mon cher Gilbert, répondit le prince en souriant.

— Pardonnez-moi, je ne croyais pas que Votre Altesse viendrait d’aussi bonne heure aujourd’hui ! J’avais à faire mes adieux à quelques amis qu’on ne