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Pierre lui avait ouvert. Sachant que son maître était seul et que l’excellente femme était toujours la bienvenue, il n’avait pas même cru nécessaire de l’annoncer.

Debout sur la plate-forme où s’élevait sa statue, à peu près achevée et dépouillée des linges humides qui l’enveloppaient quand il n’y travaillait pas, Gilbert s’enivrait de la beauté de sa madone. Il ne s’aperçut de la présence de sa voisine qu’à son cri d’admiration et de surprise :

— Oh ! que c’est beau, que c’est beau ! Mais c’est Éva, Éva elle-même ! Oui, c’est bien elle ! Comme c’est ressemblant !

Le sculpteur sauta à terre et, courant à Mme  Bertin, lui répondit tout confus :

— C’est vrai ; pardonnez-moi. Surtout, qu’elle n’en sache rien ! Où aurais-je pu trouver un plus touchant modèle ?

Ronçay avait lancé ces mots tout d’un trait, d’une voix suppliante, et avec un tel accent de tendresse, que la brave tante ne s’y méprit pas un instant.

Alors elle hocha la tête, regarda fixement l’artiste pendant quelques secondes, le prit par la main pour le conduire jusqu’au divan qui garnissait l’un des angles de l’atelier, le força à y prendre place auprès d’elle, et, là, elle lui dit lentement :

— Monsieur Gilbert, vous aimez ma nièce !

— Si vous m’aviez adressé cette question il y a huit jours, répondit le créole, j’aurais eu peut-être le courage de ne pas vous avouer la vérité, car je ne