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à ses arguments, l’avocat irait peut-être même jusqu’à évoquer le passé, c’est-à-dire le suicide de Robert et l’entrée de Blanche au couvent. Or l’écrivain ne se dissimulait pas que, même si Éva perdait son procès, il n’en serait pas moins, lui son père, l’objet de la réprobation générale.

Tout cela épouvantait l’ancien pamphlétaire. Aussi était-il décidé à user de tous les moyens pour amener sa fille à abandonner la lutte. Il s’agissait pour lui tout à la fois de prouver qu’il était encore le maître, de s’épargner les remontrances de son gendre, de ne pas laisser donner dans une famille religieuse telle que la sienne l’exemple d’une rupture scandaleuse avec les lois de l’Église, et de ne pas fournir une occasion de réveil à la haine de ses ennemis politiques.

Dans son premier moment de fureur, emporté par son tempérament autoritaire, il avait adressé à Éva une lettre pleine de menaces et de reproches, l’accusant d’ingratitude, de manque de pudeur, de penchants vicieux ; mais quand il vit que cette lettre restait sans réponse, il comprit qu’il devait s’y prendre tout autrement. Il lui écrivit alors un véritable sermon, dans lequel il faisait appel à son éducation chrétienne, à sa piété, à ses sentiments honnêtes.

« Admettons, lui disait-il, que, contre toute attente, tu obtiennes, par une fausse interprétation de la loi française, l’annulation de ton mariage civil, n’en resteras-tu pas devant Dieu la femme de ton mari ?