Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plier le Tout-Puissant ; son visage seul était resté à peu près à l’état d’ébauche. Il semblait que l’artiste n’avait pas encore osé fixer les traits de celle qu’il voulait faire rayonnante de beauté céleste, et qu’il attendait que l’inspiration de la dernière heure lui vînt en aide.

Gilbert était donc là, sur la plate-forme où se dressait le groupe, mettant au point une de ses parties inachevées, mais d’une main lente, que la pensée ne paraissait pas diriger, lorsque soudain, après avoir fixé quelques instants la tête de sa madone, il se dit :

— Oui, c’est bien le type idéal que je cherchais. Je ne pourrais jamais trouver un meilleur modèle. C’est mon bon génie qui m’a conduit là-haut !

Et s’installant sur un large escabeau qui lui permettait d’atteindre le sommet de l’œuvre, fiévreusement, sans hésitation, tout en fermant parfois les yeux à demi, comme pour évoquer plus sincèrement ses souvenirs, il commença à modeler le visage de sa statue, qui, rapidement, sous ses doigts habiles, prit une forme définitive, s’anima et bientôt apparut correct, fin, suave, avec une expression d’infinie douceur et d’angélique pitié.

Près d’une heure s’était ainsi écoulée quand le sculpteur sauta à terre, s’éloigna de quelques pas pour mieux juger l’ensemble de son travail et s’écria aussitôt avec un accent de juste orgueil :

— C’est bien là l’expression, la beauté divine que je rêvais !