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teur, qui avait deviné le but de sa démarche, l’arrêta dès les premiers mots pour lui dire :

— J’avais décidé moi-même de m’abstenir de vous rendre visite jusqu’au jour où vous pourriez m’y autoriser de nouveau. Je me suis bien aperçu du mauvais effet, tout naturel, qu’a produit sur votre beau-frère ma présence chez vous. Or, dans sa situation délicate, votre pauvre nièce ne saurait prendre assez de précautions pour éviter les suppositions malveillantes. Je n’ai pas à vous dissimuler l’intérêt qu’elle m’inspire, et je suis heureux de m’être trouvé là, car M. de Tiessant, aveuglé par la colère, se serait peut-être livré à quelque voie de fait contre sa fille si elle avait été seule. Je ne vous demande qu’une chose : soyez assez bonne pour me tenir au courant des événements. Le jour où vous viendrez m’apprendre que Mme  Noblet est sortie victorieuse de la lutte douloureuse qu’elle a engagée, vous me causerez une grande joie. Je n’ai jamais rencontré jeune femme plus digne de respectueux dévouement.

Gilbert avait dit tout cela naturellement, simplement, mais avec un tel accent de sympathie, que l’excellente veuve, si étrangère qu’elle fût aux passions, se demanda aussitôt si cet homme jeune, romanesque, sans famille, presque sage, affirmaient ses amis, ne ressentait pas déjà pour celle dont le hasard l’avait fait le défenseur un sentiment plus tendre, tout autre que de la pitié.

La pensée que cela pouvait être causait bien à