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Hyder-Ali. — Nous correspondions souvent par des émissaires pour les réunions de six mois en six mois, et nous recevions les ordres du maître qui nous a livrés.

Le président. — Ne vous groupiez-vous pas aussi parfois lorsqu’il s’agissait de quelque affaire importante ?

Hyder-Ali. — Sans doute. Ainsi, lorsque nous enlevâmes le tribut du radjah de Vellore, toutes les bandes étaient réunies.

Le président. — Il y a déjà trois ans de cela, n’est-ce pas ? Vous étiez 1,000 au moins contre une poignée d’hommes.

Hyder-Ali. — Il ne fallait pas que l’argent nous échappât.

Le président. — Vous avouez donc que le but de votre association est surtout le pillage ?

Hyder-Ali. — La destruction d’abord ; mais Kâly, en récompense de nos services, nous a autorisés à prendre tout ce que nos victimes portent sur elles.

Le président. — Ces hommes qui sont là auprès de vous et ceux que vous pensez avoir perdus dans le combat, composaient-ils tout votre bande ?

Hyder-Ali, avec un mauvais sourire et après avoir arrêté un instant sur les accusés ses yeux injectés de sang. — Oh ! non. J’en sais de meilleurs qui sont en liberté.

Le président. — Comme chef de bande, votre autorité était suprême ?

Hyder-Ali. — Suprême pour tout ce qui touchait à la discipline, à l’organisation des expéditions et au partage du butin. Mais l’autorité religieuse est toujours, parmi nous, entre les mains du gooroo, qui seul interprète les ordres de la déesse et ses augures.

Le président. — Alors, vous aviez droit de vie et de mort sur vos hommes ?

Hyder-Ali. — Droit absolu !

Le président. — Et vous en usiez souvent ?

Hyder-Ali. — Très-rarement, au contraire. Il est sans exemple qu’un affilié ou un Thug ait jamais refusé d’obéir.

Le président. — Il est à la connaissance du tribunal que, il y a quelques mois à peine, vous avez fait mettre à mort un Étrangleur du nom de Scanda ; vous avez même forcé sa femme à se brûler sur son bûcher.

Hyder-Ali. — Scanda avait donné des signes de faiblesse ; sa défaillance et sa trahison étaient imminentes. Quoique je l’aimasse beaucoup, je l’ai condamné à mort ; mais personne n’a mis la main sur lui. Il s’est exécuté lui-même avec le karavat, donnant un exemple de courage qui a dû lui faire pardonner par la déesse.

Le président. — Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’appelez-vous le karavat ?