qu’à ses lèvres entr’ouvertes comme dans un dernier appel ou par une dernière prière ; et bientôt on ne vit plus que ses yeux ardemment fixés sur son mari ; puis, plus rien !
« Tout ce drame muet s’était accompli en vingt secondes.
« Sir Edward voulut lutter contre la mort même.
« Avant que j’aie pu m’opposer à son projet, il avait plongé dans les flots ; il avait disparu au milieu du tourbillon.
« Je le vis bientôt reparaître, nageant vigoureusement, en poussant devant lui une masse inerte qui était lady Buttler.
« — Courage ! lui criai-je ; courage ! et je lui tendis un aviron pour qu’il pût s’y accrocher.
« Il allait le saisir, lorsque soudain, du sein des eaux, surgit, à côté de lui, une tête horrible, épouvantable.
« Deux bras, longs, affreux, s’étendirent, et, avant que j’aie pu pousser un cri, faire un geste ; avant que sir Edward lui-même, épuisé, ait pu s’y opposer, ils s’abattirent autour du corps de lady Buttler, et tout s’engloutit dans les flots.
« Sir Edward poussa un hurlement de rage et plongea. Plusieurs de mes hommes se jetèrent aussitôt dans le fleuve pour le protéger ; ce fut en vain.
« Deux fois, je les vis reparaître seuls ; je dus alors donner l’ordre de sauver le colonel Buttler, dont le dévouement était inutile. L’abîme ne devait même pas lui rendre le cadavre de celle qui avait porté son nom.
« Pendant que ce terrible drame se passait sur le Palaur, mes hommes contenaient leurs captures sur chacune des rives.
« Lorsque j’abordai, ils avaient entre les mains soixante-seize prisonniers, et j’avais lieu de croire que sur l’autre bord du fleuve, le résultat était encore plus favorable, quoique je n’eusse aucun renseignement à cet égard.
« Après avoir rallié mes soldats, je continuai à suivre la rive jusqu’à un gué que je rencontrai à deux milles de là, à peu près.
« J’y trouvai le lieutenant Marsy, qui s’y était arrêté selon mes ordres, en venant de Chittore. Il avait lui-même vingt et un prisonniers.
« L’appel fait, je constatai avec douleur que nous avions perdu vingt-trois hommes, dont deux officiers, les lieutenants Addison et Forey ; mais ce sacrifice à la patrie n’avait pas été inutile : deux cent soixante-neuf Étrangleurs étaient en notre pouvoir et allaient rendre compte de leurs crimes devant la justice.
« J’avais pris toutes les précautions pour que ces prisonniers ne pussent fuir ; je les avais divisés en groupes de vingt, pieds et poings liés. Dix hommes les gardaient, l’arme chargée, avec ordre de faire feu sans pitié sur ceux des misérables qui tenteraient quelque mouvement.
« Hyder-Ali, qui était parmi eux, car il avait pu s’échapper à la nage