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— Me voilà donc en face de vous, misérable ! cette fois, vous ne m’échapperez pas.

— Tiens ! les voilà, ces deux hommes dont je te parlais, dit l’Hindou à la jeune femme.

Mais Sita les avait déjà reconnus et, plus prompte que la pensée, arrachant de la muraille la torche qui éclairait cette scène, elle l’avait lancée sur les deux étrangers.

La cabane était retombée dans l’obscurité et Yago, profitant du mouvement qu’avaient fait sir George et Stilson pour éviter le projectile incendiaire, s’était élancé sur l’ex-guichetier qu’il avait frappé de son poignard.

Le capitaine se précipita à l’intérieur de la case, mais la fumée le força aussitôt à faire un pas en arrière.

En tombant, la torche avait mis le feu aux fougères sèches étendues sur le sol. Les acteurs de ce drame se trouvaient sur un véritable bûcher.

Sir George ne vit pas que Sita entraînait Nadir par une des fissures creusées par le temps dans les parois de la vieille hutte, mais, en montant sur la palissade, il aperçut l’Hindou qui s’élançait à travers le feu et la fumée.

Tout en criant à ses hommes de tirer sur le fugitif, il bondit à sa poursuite, mais au moment où deux détonations retentissaient et où il allait franchir lui-même la palissade, le capitaine se sentit saisi à bras le corps.

C’était Sita, qui, demi-nue, car elle avait arraché ses voiles pour que les flammes ne pussent l’arrêter ; c’était Sita, qui ne voulait pas que l’ennemi de celui qu’elle aimait pût aller plus loin.

Sir George jeta un cri de rage et de terreur. Comprenant le danger qu’il courait et le but de l’Hindoue, il chercha à se débarrasser de sa mortelle étreinte, mais l’amour et le dévouement décuplaient les forces de la jeune femme ; elle fit un dernier et suprême effort et disparut dans la fournaise avec celui qu’elle entraînait.

Les soldats anglais qui avaient assisté à cet épouvantable spectacle sans pouvoir porter secours à leur chef, ne comprenaient rien à ce qui se passait là sous leurs yeux. Aveuglés par la fumée qui s’élevait des hautes herbes de la nécropole que gagnait l’incendie, ceux qui avaient tiré sur le fugitif ignoraient s’ils l’avaient atteint.

Pendant plus d’une heure ils virent se consumer ce terrible bûcher, et le lendemain matin seulement, ils purent se hasarder sur les débris brûlants de la cabane.

Ils y retrouvèrent le corps à demi-calciné du malheureux officier. Un autre corps le tenait entrelacé. C’était celui de Sita qui semblait vouloir ne pas s’en séparer, même après la mort.

Puis, sur le seuil de la case, ils découvrirent encore un autre cadavre. C’était celui de Stilson.