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Cet examen terminé, il remonta sur le pont, donna la route à l’homme de barre et rejoignit miss Ada ainsi que sa mère et Saphir.

La comtesse avait trouvé à l’arrière du yacht un petit appartement meublé avec un goût parfait. Il ne manquait rien de ce qui lui était nécessaire.

Avant d’atteindre cette partie du navire, Villaréal avait passé auprès d’une cabine dont la porte était fermée par de solides verrous, et il avait murmuré avec un accent de haine impossible à rendre :

— À bientôt, messieurs Maury, à bientôt !

C’était là, en effet, que depuis leur enlèvement vivaient les deux fils de sir Arthur, sans savoir où ils étaient, ni quel sort leur était réservé.

D’abord ils avaient essayé de la révolte, mais le capitaine Léoni leur avait signifié qu’à la première tentative d’évasion, au moindre cri, il les jetterait tout simplement à l’eau.

Ils s’étaient décidés alors à attendre aussi patiemment que possible, dans une ivresse presque constante, grâce au brandy qu’on leur servait à discrétion, la solution de cet étrange mystère.

La première chose que fit la comtesse, dès qu’elle fut seule avec Villaréal, fut de lui demander quels étaient ses projets ; mais il refusa de lui répondre, et le lendemain lady Maury ne fut pas moins surprise que sa fille de voir que l’Éclair ne cherchait pas à gagner la terre, mais courait au contraire de larges bordées nord et sud, en s’avançant doucement à l’ouest.

Le soir, à dix heures, les trois passagères descendirent dans leur appartement. Elles y étaient depuis une heure à peine avec Villaréal, lorsque Yago vint tout à coup faire à son maître une communication des plus graves sans doute, car celui-ci s’empressa de monter sur le pont.

Le capitaine Léoni l’attendait à l’arrière du yacht.

— Tenez, Maître, lui dit-il en lui montrant un bâtiment à voiles qui se dirigeait vers l’Est poussé par une faible brise de sud et qui se trouvait à peu près à trois milles de l’Éclair. Si je ne me trompe pas, c’est là le Duc d’York.

— Moi, j’en suis certain ! Léoni, prends toutes les dispositions, fais augmenter la pression et dirige-toi doucement dans ses eaux. Dans une heure la lune sera couchée. La nuit est sans étoiles, le ciel est vraiment pour nous. L’heure de la justice et de la vengeance est arrivée !

Après avoir donné ces ordres à Léoni, Villaréal redescendit auprès de lady Maury et de ses filles, que son brusque départ avait vivement inquiétées.

— Écoutez-moi, leur dit-il, sans leur laisser le temps de l’interroger ; me voici parvenu enfin à ce moment suprême qui est le but de ma vie depuis plus d’une année. Dieu seul sait ce qui se passera dans quelques