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Il vit, en tombant, la porte s’ouvrir, et, du côté de l’usine, une gerbe de flammes s’élever vers le ciel.

Fatigués de sa résistance, ceux des hommes qui attaquaient la grande porte y avaient mis le feu.

C’était par deux issues, maintenant, que les ouvriers, furieux et irrités encore par les obstacles, prenaient possession de l’usine pour la mettre au pillage.

Brisé, meurtri par tous ceux qui lui avaient passé sur le corps, James se releva et bondit jusqu’au premier étage de la maison.

Il entendait à droite, du côté des bureaux, les envahisseurs qui en brisaient les portes.

Le feu venait de gagner les magasins de coton ; grâce au vent violent qui soufflait, dans quelques minutes peut-être l’usine entière allait être la proie des flammes.

Une porte était à sa gauche, c’était celle des appartements de M. Berney.

Il y frappa à coups redoublés.

Des cris de terreurs seuls lui répondirent.

— C’est moi, moi, James ! ouvrez ! cria-t-il alors de toutes ses forces en s’arc-boutant contre les panneaux. Ouvrez, miss, ou vous êtes perdue !

La porte cédant enfin sous son poids, il se précipita dans l’antichambre.

La fille de M. Berney, à demi-vêtue, s’était réfugiée dans le salon avec une de ses femmes.

Elle était pâle, tremblante et pouvait à peine se soutenir.

— Venez vite, miss, lui dit-il, en s’approchant d’elle.

La jeune fille poussa un cri d’espoir en le reconnaissant.

— Mais pourquoi ce bruit, cette foule ? Que nous veulent ces hommes ? demanda-t-elle.

— Vous le saurez trop tôt, miss. Fuyez, vous dis-je, nous n’avons pas un instant à perdre. Lorsqu’ils auront brisé les machines et les métiers, Dieu sait contre qui se tournera leur fureur aveugle et folle. C’est la colère du peuple.

— Non, ce n’est pas possible ; vous vous trompez.

— Je vous trompe ? Eh bien ! regardez, miss.

Il avait entraîné la jeune fille vers la fenêtre, d’où elle put voir les flammes qui gagnaient déjà les principaux bâtiments de l’usine.

Dans la cour, les révoltés brisaient les métiers qu’ils avaient enlevés des ateliers et ils éventraient les balles de coton.

C’était une horrible scène de pillage.

Miss Emma se rejeta en arrière avec un cri d’effroi.

— Fuyons, fuyons ! dit-elle en prenant la main de James et en s’enve-