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un endroit d’où il pouvait en surveiller la porte sans être vu, il s’y installa prêt à rester là la nuit entière, si c’était nécessaire.

Il était en faction depuis déjà près d’une demi-heure, et, afin de passer le temps agréablement, il ruminait de bons petits projets de vengeance pour le cas où le comte ne tiendrait pas sa promesse, lorsqu’il aperçut deux individus qui venaient lentement de son côté.

Dès qu’ils furent devant l’hôtel de Saphir, ces deux promeneurs nocturnes y jetèrent un coup d’œil rapide, et, comme un rayon de lumière les frappa à ce moment au visage, le tavernier les reconnut, avec surprise, pour deux de ses plus fidèles pratiques.

En effet, c’étaient Jack et Morton, deux de ces hommes enrégimentés par le mulâtre et que nous avons déjà vus dans la cave du bouge de Star lane, pendant cette nuit où Villaréal leur donnait ses instructions.

En repassant devant Bob, celui-ci entendit Morton dire à son compagnon :

— Ils sont encore là, fais arrêter la voiture à l’entrée de la rue d’Albemarle, c’est leur chemin, qu’ils retournent chez eux ou aillent au club, et préviens les amis.

Et les deux hommes s’éloignèrent jusqu’à l’angle de Piccadilly.

— Tiens ! tiens ! murmura le tavernier après leur départ. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que diable ces deux canailles viennent-elles faire par ici ?

Mais Bob n’eut pas le temps de poursuivre plus longuement ces appréciations sévères à l’égard de ses anciens camarades d’Australie ; car au moment même où il terminait sa phrase, la porte de l’hôtel s’ouvrit pour livrer passage à deux jeunes hommes, qui se dirigèrent en trébuchant et en riant du côté où avaient disparu Jack et Morton.

C’étaient les deux frères Maury ; et Bob, qui ne les connaissait pas, ne songeait guère à s’intéresser plus longuement à eux, lorsqu’il entendit tout à coup le bruit d’une lutte, au-delà de Piccadilly.

Il s’élança de ce côté, mais lorsqu’il arriva à l’angle de la rue d’Albemarle, ce ne fut que pour voir s’éloigner rapidement une voiture, sur le siège de laquelle il crut bien reconnaître Morton.

Quant aux deux jeunes gens, le digne logeur eut beau regarder de tous côtés et prêter l’oreille, ils s’étaient évanouis.

— Je crois, décidément, que j’ai bien fait de confier mon établissement à Mab, se dit Bob en retournant à son poste d’observation. Seulement, j’avoue que je n’y comprends rien du tout. Je saisis bien que Jack et Morton viennent d’enlever, en un tour de main, ces deux gentlemen, mais dans quel but ? Pour qui travaillent-ils ? Serait-ce pour mon débiteur ? Raison de plus alors pour guetter ce petit serpent de Saphir !

Tout en faisant cet aparté, le bonhomme était revenu du côté de l’hôtel.