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À ce contact odieux, lady Maury s’éveilla et voulut jeter un cri ; mais il lui mit la main sur les lèvres, et ce fut alors, entre elle et lui, une lutte horrible, sans nom, que nous ne voulons pas décrire, dans laquelle la pauvre créature abandonnée devait rapidement succomber, malgré ses pleurs et les prières qu’elle adressait à son bourreau.

Mais Albert ne voyait pas ses larmes, il ne voyait que sa beauté ; il n’écoutait pas ses prières, il n’écoutait que ses désirs sauvages. Il était fou !

Cependant lady Maury parvint d’abord à lui échapper, et chaste dans sa nudité même, elle allait atteindre un cordon de sonnette et appeler à son secours, lorsqu’il l’arrêta au passage, la saisit de nouveau, et comme il l’eût fait d’un enfant, l’enleva dans ses bras vigoureux et la rejeta sur son lit, où la jeune femme tomba à demi-morte de terreur et de désespoir. Elle était tout entière à sa merci.

La lampe s’était éteinte comme si les ténèbres seuls dussent être témoins d’un aussi lâche attentat. On n’entendait que les plaintes étouffées de la victime, et à l’étage supérieur les gémissement de la petite Ada que le bruit avait réveillée et qui semblait répondre à sa mère.

Soudain la porte de la chambre vola en éclats, et un homme, accompagné de domestiques qui portaient des flambeaux, s’y précipita avec un élan furieux.

C’était sir Arthur !

Chacune de ses mains était armée d’un pistolet à deux coups, et avant que son ami eût eu le temps de le reconnaître, il avait fait feu deux fois.

Sa première balle avait frappé Albert à la tête ; l’autre avait traversé l’épaule droite de lady Maury.

— Misérable ! gémit le compagnon de débauche du baronnet en roulant sur le parquet baigné dans son sang.

Il comprenait enfin dans quel piège horrible il était tombé et dans quel abîme de honte il avait entraîné la femme honnête, la chaste épouse que sir Arthur Maury avait maintenant le droit de chasser et dont la fortune lui appartiendrait bientôt.

Dans une dernière lueur de raison, Albert vit le sourire de l’infâme assassin s’arrêter sur lui et il tenta de se soulever pour se venger au moins avant de mourir ; mais sir Arthur avait visé juste, et le malheureux retomba sur le sol en sentant que la vie l’abandonnait.

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Ces mots étaient les derniers du manuscrit du docteur Harris, dont la lecture avait arraché à plusieurs reprises au comte de Villaréal des mouvements de surprise et des éclairs de joie sinistre.