Un cercle de feu serrait ses tempes. Malgré le froid, la sueur perlait sur son front. Il sentait l’ivresse le gagner de plus en plus.
Il fit un effort, leva les yeux, et ses regards s’arrêtèrent fixes et brillants comme ceux d’un fou sur les fenêtres de lady Maury.
Alors une pensée horrible s’empara de lui, et quelque effort qu’il fît pour en détourner son esprit, le tableau que sir Arthur lui-même avait tracé de sa femme l’y ramena impitoyablement, avec une ténacité fatale.
Il se disait qu’elle était là, seule, endormie, sans défense, cette femme qu’il aimait d’un amour insensé, cette épouse honnête qui n’avait eu pour lui que du mépris, et qu’il n’avait qu’à vouloir pour la posséder et se venger.
Et le malheureux s’avançait lentement, s’efforçant d’étouffer le bruit de ses pas, se glissant dans l’ombre comme un voleur, tremblant aux gémissements du vent dans les arbres, au craquement d’une branche morte sous ses pieds, obéissant, non plus à sa volonté, mais à l’ivresse, au désir, à la fatalité.
Ah ! sir Arthur avait bien fait de compter sur la passion et l’infamie de son compagnon de débauche.
Cependant, au moment où sa main fiévreuse rencontra la porte du vestibule, Albert eut comme une lueur de raison et fit un pas en arrière.
L’ange gardien de lady Maury put espérer un instant qu’elle était sauvée.
Mais, hélas ! cette hésitation ne devait être qu’un éclair dans cette nuit de honte et d’horreur ; car quelques secondes s’étaient à peine écoulées que le misérable, après avoir gravi l’escalier, se trouva sur le seuil de la chambre à coucher où reposait la jeune femme.
Il ne s’était même pas demandé comment il se faisait qu’aucune de ses portes ne fût fermée à l’intérieur.
La chambre n’était éclairée que par une petite lampe de cristal posée sur la cheminée ; ses rayons, tamisés par un globe de couleur, caressaient doucement le visage de lady Maury, dont la respiration lente et régulière indiquait le sommeil profond.
Elle reposait, la tête soutenue par un de ses bras de neige et les lèvres entr’ouvertes, peut-être dans le dernier sourire que la pensée de son enfant y avait fait naître.
Albert s’arrêta à quelques pas d’elle, émerveillé de sa beauté, la tête en feu, perdant l’ombre de raison qui lui restait, et n’ayant plus qu’une pensée, c’est que lady Maury pouvait s’éveiller, appeler à son aide et qu’elle serait perdue pour lui.
Il retrouva alors assez de calme pour aller fermer la porte qu’il avait laissée entr’ouverte ; puis il se rapprocha du lit et osa prendre la jeune femme dans ses bras.