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— Avec ça qu’elle m’aime beaucoup, lady Maury ! dit Albert devenu sombre tout à coup au nom de la baroness.

Son ami ne le quittait pas du regard.

— Comment faire, alors ? reprit sir Arthur.

— Dame ! je n’en sais rien, et comme toi, vois-tu, je crois que le plus simple serait d’en terminer tout à coup à l’aide de quelque moyen expéditif. Ce que tu dis là me dégrise et me désole. J’ai perdu cent livres contre Gérard Stable et tu sais qu’il est loin d’être un créancier gracieux. Me voilà déshonoré.

Sir Arthur, à ce dernier mot, ne put s’empêcher de jeter à son ami un coup d’œil ironique ; mais Albert était trop absorbé et trop fait d’ailleurs aux façons hautaines et grossières du gentilhomme pour attacher jamais quelque importance que ce fût à ses impertinences.

— Oui, me voilà déshonoré ! répéta-t-il. Que vais-je devenir ? Je n’ai pas comme toi des revenus à engager, ni de femme à millions. Tiens, si je me mariais ! Oui, mais, pour se marier, il faut avoir des rentes, si on veut épouser des dots ; à moins que, comme toi, on soit baronnet et que l’on ne trouve un brave imbécile de marchand de chiffons qui ait une fille dont toute l’ambition soit de devenir une lady.

— Ça m’a avancé beaucoup ! Il y a deux ans que j’ai fait cette sottise et aujourd’hui je n’en suis pas plus riche. Si, j’ai de plus une femme et une fille, car je n’ai même pas eu le bonheur d’avoir un garçon.

— C’est que tu as joliment marché depuis deux ans. Tudieu ! quelles parties, cher ami ! Seulement, tu perdais toujours.

— Et toi, tu gagnais parfois.

— Il était préférable que ce fût moi qu’un autre. Du reste, ça ne m’a pas profité. La petite Katty de Drury-Lane m’a tout dévoré. Maintenant, plus un penny, mais deux ou trois mille livres de dettes, qui vont me forcer d’aller un de ces matins chercher fortune sur le continent.

— Adresse-toi à ma femme, elle avait en toi une confiance illimitée au commencement de notre mariage. Je crois même que tu lui faisais la cour.

— Oh ! peux-tu croire ? dit Albert en pâlissant ; des prévenances, des attentions comme on les doit à la femme d’un ami. Mais quant à m’adresser à elle, décidément tu te moques de moi.

— Sais-tu qui sort de chez moi ? reprit sir Arthur sans paraître attacher aucune importance aux excuses de son compagnon de plaisir.

— Non, tu m’as dit que tu quittais lady Maury depuis à peine un quart d’heure quand je suis entré.

— Eh bien, pendant ce quart d’heure d’intervalle, j’ai reçu quelqu’un.

— Qui ça, mon cher ?

— L’honorable Abraham, qui nous a, toi et moi, si souvent tirés d’affaire.