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— Votre notaire ?

— Lui-même !

— Pourquoi ?

— Parce que je pense qu’il me conseillera de n’en rien faire.

Le baronnet ne put retenir un mouvement de colère.

Cette résistance de sa femme lui semblait chose si inexplicable qu’il ne pouvait encore y croire.

— Voyons, lui dit-il, j’ai besoin de cet acte, je le désire, je le veux. C’est la première fois que vous me refusez.

— Oui, cela est vrai, c’est la première fois ; mais si je ne me reproche pas ce que j’ai fait jadis, je ne pourrais pas me pardonner de céder aujourd’hui. Ce qui reste de ma fortune n’est pas à moi, mais à notre enfant. Je veux qu’Ada soit plus heureuse que moi un jour.

— Ah ! je n’ai pas besoin de vos reproches. Signez, vous dis-je, ou sinon…

— Que ferez-vous donc ?

— Je saurai vous y contraindre.

— Par la force, peut-être ?

— Eh ! par la force, si cela est nécessaire, répondit-il aveuglé par la colère.

— Eh bien ! vous vous trompez, sir Arthur ; si ce que je vous ai follement abandonné a été la proie de vos maîtresses et de vos vices, il n’en sera pas de même de ce qui est à moi seule ; en voici la preuve.

Et, avec une énergie dont son mari ne l’aurait pas crue capable, la jeune femme indignée déchira l’acte et en jeta les morceaux à ses pieds.

Sir Arthur, furieux, se conduisit alors comme un laquais.

Sans respect pour sa fille qui dormait à quelques pas de lui, sans pitié pour cette épouse chaste et pure qui défendait le bien de son enfant, le misérable osa la frapper.

Lorsque la femme de chambre, attirée par des cris de douleur, pénétra dans la pièce où s’était passée cette scène odieuse, elle trouva lady Maury étendue sur le parquet, au pied du lit d’Ada, et le front ouvert par une large blessure dont le sang coulait à flots.


VIII

L’INFÂME.



On comprend ce que fut, à partir de ce jour, la vie de lady Maury.

Ne pouvant lui pardonner son refus, son mari mit même de côté cette espèce de décorum qu’il avait jusqu’alors conservé, et il ne lui épargna plus ni les humiliations ni les insultes.