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De toute cette colossale fortune, si péniblement amassée par Katers, il ne restait que ce qui, personnellement, appartenait à lady Maury et à son enfant ; cela grâce aux dernières dispositions du vieillard, qui, en mourant, avait eu au moins le bon sens de profiter de la terrible leçon qu’il avait reçue.

Déjà, plusieurs fois, sir Arthur, dans des circonstances pressantes, avait eu recours à sa femme et il l’avait trouvée sans résistance.

Il pensait qu’il en serait toujours de même.

Seulement, comme chacune de ses demandes à lady Maury avait été pour lui une véritable humiliation, et qu’il allait être obligé de vivre désormais dans une espèce de tutelle constante, il se décida à en terminer d’un seul coup, en obtenant d’elle une donation pure et simple de tous ses biens.

Il fit préparer un acte dans ce sens, et un matin, il se fit annoncer chez sa femme.

Lady Maury berçait son enfant sur ses genoux au moment où il entra dans son appartement.

La jeune femme leva vers son mari un regard étonné ; il y avait plus de quinze jours qu’elle ne l’avait vu.

— J’ai besoin de votre signature, lui dit-il après quelques phrases banales de politesse et un semblant de caresses à sa fille.

— Pourquoi ? demanda doucement lady Maury.

— Oh ! ce serait très-long à vous expliquer. Tenez, signez ceci.

Il lui présentait un écrit de quelques lignes à peine.

— Permettez-moi au moins de lire, dit la jeune mère.

— C’est inutile. Vous ne comprendriez pas ; ce style d’affaires est si embrouillé.

— Il me semble, au contraire, fort clair, répondit lady Maury, à laquelle il avait abandonné l’acte été qui l’avait rapidement parcouru. C’est une cession complète de toute ma fortune que vous me demandez là, sir Arthur ?

— Vous avez des sommes importantes très-mal placées ; je désire augmenter nos revenus.

Mais en prononçant ces mots, il n’avait pu s’empêcher de rougir, car sa femme avait arrêté sur lui un regard ferme qu’il ne lui avait jamais connu.

Il eut comme le pressentiment que ce n’était plus contre l’épouse qu’il allait avoir à lutter, mais contre la mère.

Lady Maury s’était levée, et après avoir doucement couché sa fille dans son berceau, elle était revenue lentement vers son mari.

— Je ne signerai cet acte, sir Arthur, lui dit-elle, qu’après avoir consulté Stephen.