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santé toutes les explications qu’il désirait, il se retourna vers le comte pour lui dire :

— Tout cela n’a qu’une gravité relative ; c’est plutôt une hygiène fortifiante qu’un traitement réel qu’il faut à madame la comtesse. Qu’elle me pardonne d’émettre si hardiment cette opinion, mais, selon moi, ses souffrances ont une cause toute morale qu’il n’appartient qu’à elle et à vous, monsieur le comte, de connaître et de combattre.

— Vous le voyez, Ada, dit Villaréal en souriant, j’avais raison de vous rassurer.

— Madame la comtesse s’appelle Ada ? fit le médecin d’une voix émue.

— Oui, docteur, répondit la jeune femme elle-même, car le comte était resté impressionné un instant de l’effet qu’avait paru produire ce nom sur l’Américain.

— Ce nom vous rappelle-t-il donc quelque pénible souvenir ? demanda Villaréal, redevenu rapidement maître de lui.

— Oui, un bien triste ! dit Harris, et je vous demande pardon du mouvement involontaire de surprise que je n’ai pu réprimer. Vous êtes née à Londres, madame ?

— Je suis née à Londres, répondit Ada en interrogeant du regard son mari, qui ne se rendait pas bien compte de toutes ces questions du docteur.

— Étrange coïncidence ! dit celui-ci qui ne quittait plus la comtesse des yeux. Ressemblance bizarre ! Ah ! le hasard fait parfois de singuliers rapprochements. Mais laissons cela, madame, et excusez-moi. Je viendrai vous revoir, et, si vous voulez m’obéir un peu, dans moins d’un mois vous remonterez à cheval et serez mieux que jamais. Voulez-vous me permettre de vous entretenir un instant, comte ?

— À vos ordres, répondit Villaréal.

— Ah ! fit la comtesse, vous le voyez, docteur, vous ne m’avez pas dit toute la vérité.

— Je vous jure, madame, que votre état ne m’inquiète en aucune façon et que vous pouvez être parfaitement tranquille.

— Vous me jurez ! Ah ! les médecins ! On dit que Dieu leur a donné le droit de mentir.

Ces quelques phrases avaient été échangées sur un ton que chacun s’était efforcé de rendre enjoué, quoiqu’il existât entre les acteurs de cette scène intime une contrainte peu naturelle.

La comtesse voulut absolument céder la place, et elle se retira dans son appartement après un adieu à son mari.

Le docteur Harris et le comte de Villeréal étaient seuls. Ces deux