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mement retirés, quoique leur maison fût montée sur un très-grand pied et avec un luxe du meilleur goût.

Ces étrangers s’appelaient le comte et la comtesse de Villaréal.

On disait qu’ils étaient Péruviens, colossalement riches, et que le comte s’était décidé à venir habiter l’Europe, en même temps pour fuir les troubles du Sud-Amérique et pour faire soigner sa jeune femme, dont la santé était chancelante.

Aussitôt installé, le comte de Villaréal s’était fait présenter dans quelques grandes familles, puis dans un des cercles à la mode. Il avait pris ensuite une loge à Drury lane, et, ces premiers soins remplis, il s’était mis à courir Londres et ses environs avec la curiosité d’un touriste enragé.

Il disparaissait parfois des semaines entières, qu’il passait à Manchester, à Liverpool ou dans d’autres grandes villes industrielles, dont la visite paraissait l’intéresser beaucoup, quoiqu’il ne fût en aucune façon dans les affaires.

C’était un beau gentleman d’une trentaine d’années, au teint basané, à la physionomie calme et sévère, portant toute sa barbe d’un noir d’ébène et d’une tenue irréprochable.

Il était rare qu’il sortît sans être accompagné d’un serviteur, qu’il avait amené avec lui et qui, comme son maître, devait être né sous les Tropiques.

Cet homme se nommait Yago.

Il était grand, robuste, dans toute la force de l’âge, et paraissait avoir pour le comte un dévouement aveugle, ainsi que le plus grand respect.

Quant à la comtesse, c’était une ravissante créature, qui faisait avec son mari le contraste le plus étrange, quoique sa beauté ne fût pas moins complète que la sienne.

Elle était blanche et frêle, avec de grands yeux bleus ombragés de longs cils. Son sourire triste et doux avait un charme infini.

Comme elle montait souvent à cheval, les élégants d’Hyde-Park n’avaient pas été longtemps à remarquer son adresse et son intrépidité ; mais ils avaient en pure perte cherché à faire naître l’occasion de lui adresser la parole.

Lorsqu’elle ne pouvait faire autrement, la comtesse de Villaréal répondait à ses admirateurs par un salut glacial, puis elle s’éloignait rapidement.

Si nous pénétrons une après-midi dans l’hôtel de Bedford-square, nous trouverons la comtesse et le comte réunis dans un élégant boudoir attenant à la salle à manger.

Villaréal venait de rentrer ; sa voiture était encore attelée dans la cour de l’hôtel.