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selle Saphir, c’est justement de la sœur de James dont nous venons vous parler.

— De la sœur de James, de Mary, de ma bonne et chère petite amie de pension ! Pardon, James, d’avoir gardé ce souvenir. Oh ! que c’est bien à vous, miss, d’avoir confiance en moi ! Que puis-je faire pour elle, moi ? moi, Saphir !

— Vous pouvez beaucoup. Écoutez.

Et la fille de M. Berney, après avoir fait comprendre à Saphir qu’elle connaissait ses rapports avec son frère et l’influence qu’elle avait sur son esprit, lui raconta ce qui était arrivé à l’ouvrière, les scènes qui, le matin même s’étaient produites entre James, son père et son frère. Puis elle continua en lui disant qu’ils avaient voulu espérer en elle pour faire comprendre à Edgar quelle faute, quel crime il avait commis, et quelle réparation il devait à celle qu’il avait lâchement séduite.

— Le malheureux ! dit avec indignation Saphir, qui avait écouté ce récit en laissant couler ses larmes. Ma pauvre petite Mary ! si douce, si belle, si pure ! Ah ! miss, vous avez bien fait de vous adresser à moi. Je vous jure, — vous m’entendez, James, — que j’userai de toute mon influence sur Edgar pour l’amener à réparer sa faute.

— Merci, Sarah ; pardonnez-moi d’avoir douté de vous.

— Malheureusement je ne suis pas la seule à avoir quelque pouvoir sur votre frère, miss ; il est aussi sous la complète domination de ses amis Maury, deux gentilshommes de vingt-cinq ans, pervers et débauchés déjà comme des vieillards, et dont l’intimité flatte sa vanité. Ce sont eux qui ont dû le pousser à cette action basse et infâme, et ce sont eux qui lui disent maintenant que céder serait d’un sot, parce que ce ne serait que d’un honnête homme.

— Que faire, alors ? demanda la fille de M. Berney.

— Je n’en sais rien encore. Il faudrait que je pusse éloigner Edgar de ses amis. Je le verrai ce soir : j’aurai réfléchi et j’y aviserai. Comptez sur moi. Ma pauvre petite Mary ! je donnerais tout le bonheur que je désire pour que le sien lui soit rendu. M’en voulez-vous encore, James, et m’avez-vous pardonné ?

Elle avait tendu sa main à l’ouvrier, qui la serrait avec reconnaissance.

— Et moi, dit miss Emma en lui offrant la sienne, ne voulez-vous pas aussi que je vous remercie ?

— Oh ! miss, dit Saphir confuse, y pensez-vous ? Votre main, à moi !

— Pourquoi non ? répondit noblement la jeune fille ; je ne sais qu’une chose, c’est que vous avez un bon et brave cœur, et que nous vous aimerons bien tous les deux si vous rendez l’espoir à la pauvre Mary.