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son protecteur nouveau se fatiguerait rapidement de son désintéressement chevaleresque, elle avait fini par un éclat de rire en lui tendant sa petite main en signe d’alliance.

Seulement, elle s’était trompée : le comte de Villaréal, depuis près de trois mois qu’elle le connaissait, n’avait pas changé un iota à son programme ; ce qui avait eu pour conséquence naturelle de piquer d’abord l’amour-propre de Saphir, et de la rendre ensuite folle de lui.

Elle avait alors usé de tous les séductions, mais en pure perte.

Son protecteur était resté son ami, rien de plus, tandis que la pauvre enfant se sentait envahie toute entière par cet amour, qui avait crû en raison directe de la résistance de celui qui en était l’objet.

Dans son désespoir, elle avait voulu vivre seule, ne plus recevoir ceux qui, comme Edgar Berney et son ami Maury, avaient sur elle certains droits de priorité ; mais, à cet égard, le comte avait été inexorable. Elle avait dû continuer à ouvrir sa porte à ces deux jeunes gens et à leurs amis, ce dont elle se vengeait en querellant sans cesse Edgar et en le rendant le plus malheureux possible, car le fils de M. Berney en était véritablement épris.

Au moment où miss Emma et James songeaient à venir lui rendre visite, Saphir était encore plus triste que de coutume, malgré la promesse que Bob lui avait faite la veille de lui permettre d’emmener sa mère contre la remise de deux mille cinq cents livres.

Elle était certaine d’avoir reconnu le comte dans la taverne, et elle cherchait vainement à s’expliquer ce qu’un homme comme lui pouvait être allé faire dans un semblable endroit et sous le costume qu’elle lui avait vu.

Cela l’inquiétait étrangement.

De plus, deux mille cinq cents livres étaient une somme, même pour elle, car quel que fût le confortable dans lequel elle vivait, la conduite de Villaréal envers elle et surtout l’amour qu’elle avait pour ce mystérieux protecteur, lui avaient ordonné une délicatesse dont elle s’était si peu écartée qu’elle était couverte de dettes qu’il ignorait.

Elle avait bien songé à s’adresser à Edgar, qui, malgré la situation difficile où il se trouvait, aurait pu, cependant, se procurer cet argent.

Mais, c’eût été lui donner de nouveaux droits ; or, elle ne pouvait s’y résoudre.

Vendre ses chevaux et ses bijoux, c’était bien un moyen, mais que dirait le comte ?

Aussi la pauvre fille, ne sachant que faire, que décider, avait-elle pleuré toute la matinée, au risque d’abîmer les beaux yeux auxquels elle devait son surnom.

Puis, de guerre lasse, enveloppée dans un long peignoir de dentelle, elle s’était étendue sur un divan, et, sa femme de chambre agenouillée auprès