Il se demandait surtout pour quel motif ce dernier l’avait chassé de l’usine, lui qui avait jadis rendu un si grand service et qui était un de ses meilleurs et de ses plus honnêtes ouvriers ; mais, malgré tous ses efforts d’imagination, il n’y pouvait rien comprendre et brûlait d’interroger son compagnon.
Seulement, le brave garçon ne savait par quelle question débuter, et comme James ne songeait guère à le prendre pour confident, ils arrivèrent ainsi au terme de leur course sans s’être rien dit.
Mary était à sa fenêtre, guettant le retour de son frère.
En le voyant arriver avec Tom, elle se retira précipitamment.
La pauvre enfant avait passé la matinée dans de terribles angoisses. Vingt fois, malgré la promesse qu’elle avait faite, elle avait été sur le point de courir jusque chez M. Berney, craignant qu’il n’y fût arrivé un malheur.
En apercevant les deux amis ensemble, prise d’une véritable épouvante, elle se laissa tomber sur son siège.
Elle connaissait le caractère violent de Tom, aussi bien que son amour. Si James lui avait tout dit, Dieu seul savait jusqu’où la colère pourrait emporter l’ouvrier.
Du reste, elle était prête à tout, car, quel que fût son amour pour Edgar, ses yeux s’étaient ouverts ; elle avait compris l’abîme où elle était tombée, abîme plus profond que ne le pensait encore son frère, car la pauvre abandonnée portait en son sein la preuve de sa faute.
Cependant Tom s’était arrêté avec James sur le pas de la porte. Il paraissait vouloir entrer avec lui chez madame Davis.
— Il faudra bien que tu m’expliques un peu ce que tout cela signifie, s’était-il décidé à dire à son ami. Il y a quelque chose là-dessous que tu me caches. Que diable peut t’avoir fait M. Edgar !
— Mais rien, rien du tout, répondit James très-embarrassé, je te raconterai tout cela plus tard. Si tu veux me faire plaisir, tu vas retourner à l’usine.
— Moi, jamais ! en te mettant à la porte, ils m’ont aussi chassé.
— Il le faut cependant, car j’ai intérêt à savoir ce qui s’y passe, et tu comprends que je n’y puis plus remettre les pieds. Ainsi, mon brave Tom, fais ce dont je te prie.
— Mais, by God ! dis-moi au moins ?…
— Rien ! Reviens me prendre ce soir ; tu sauras tout.
— Et Mary ?
— Elle doit être à travailler dans sa chambre.
— Lui as-tu dit, au moins, que je l’aime toujours de plus en plus et que pour elle je deviendrais un vrai mouton ? Si j’avais une petite femme