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Et les deux amis, qui s’étaient compris à demi-mot, se mirent à rire en courant vers la fabrique, dont la cloche rappelait les ouvriers au travail.


III

LES MISÉRABLES.


[[Lettrine|A|lignes=4}}insi que nous l’avons vu dans le chapitre précédent, par les quelques paroles rapidement échangées entre les quatre ouvriers qui sortaient du meeting de Clerkenwell, la misère était grande à Londres. Il semblait que le peuple, auquel parvenait, exagéré peut-être encore, le récit des infortunes de l’Irlande, n’attendît qu’une occasion pour se soulever en masse.

La police était littéralement sur les dents, car à aucune époque les vols, les arrestations à main armée et les meurtres n’avaient été plus nombreux.

Les journaux apprenaient chaque matin à leurs lecteurs quelque nouvel attentat contre les personnes ou contre les propriétés.

La publication le Police News augmentait tous les jours son tirage.

Les rues de l’immense Cité, même les plus fréquentées, étaient en effet le théâtre de crimes commis avec une telle audace, une telle rapidité et une telle sûreté d’exécution, que les malfaiteurs avaient pu jusqu’alors échapper aux policemen, dont un certain nombre déjà avaient payé de la vie leur dévouement à l’ordre public.

Ces attentats frappaient comme à coup sûr ; les victimes semblaient choisies avec une adresse merveilleuse.

Le nombre des gens qui rentraient chez eux, après avoir été dépouillés avec une dextérité inouïe, était effrayant.

Tous avaient été attaqués de la même façon.

On eût dit, si cela n’avait pas été complètement impossible, qu’il n’avaient eu affaire qu’à un même agresseur.

Mais, comme les plaintes déposées dans les bureaux de police parlaient d’arrestations faites le même jour et aux mêmes heures dans des quartiers éloignés les uns des autres, il avait bien fallu se rendre à l’évidence, c’est-à-dire admettre l’existence d’une vaste et mystérieuse association.

Ceux qui n’avaient été ramassés qu’à demi étouffés sur la voie publique