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— Merci, miss ; vous êtes, vous, aussi bonne que belle ; si tous ceux de votre monde vous ressemblaient !…

La jeune fille s’était sentie rougir à l’étreinte de James, mais elle n’avait pas retiré sa main.

Elle avait bien deviné que le malheureux l’aimait, et quand elle comparait cet amour pur, dévoué, respectueux, à la passion brutale dont son frère s’était rendu coupable, elle ne songeait plus qu’elle avait devant elle un homme de rang inférieur, mais un être vraiment bon, honnête et supérieur, par le cœur du moins, à tous ceux qui l’entouraient.

Aussi gardèrent-ils un instant le silence.

Ce fut James qui le rompit le premier.

— Tenez, miss Emma, lui dit-il, vous ne sauriez croire combien vos bonnes paroles m’ont fait de bien. Ma pauvre Mary est perdue. Avec son honneur, le bonheur a quitté pour toujours notre pauvre maison ; car cet honneur, c’était toute notre richesse, toute notre joie. Laissez-moi retourner près d’elle. Oh ! ne craignez rien pour votre frère, je n’ai plus pour lui que du mépris.

— Je vous ai dit, James, que je désirais que vous vissiez d’abord mon père. Ne désespérez pas encore.

— Eh bien, soit ! puisque vous le voulez.

Il suivit la jeune fille, qui gagna le bureau de M. Berney en traversant son appartement.

Le manufacturier était seul et très-irrité des nouvelles qu’il venait de recevoir.

Plusieurs de ses confrères lui avaient écrit pour lui dire de se mettre, comme eux, sur ses gardes.

On craignait un soulèvement général des populations ouvrières.

Déjà, à Manchester et à Liverpool, les troubles les plus graves avaient éclaté ; on parlait d’un nouveau mouvement des fenians dans le sud de l’Irlande.

— Que voulez-vous ? dit-il brusquement à sa fille, je n’ai pas un instant à moi.

— Je désire, mon père, que vous fassiez rendre justice à un de vos meilleurs ouvriers.

— Quoi ? Qu’y a-t-il ? Tiens ! c’est vous, James. De quoi vous plaignez-vous ?

— De votre fils, monsieur Berney.

— De mon fils !… d’Edgar ? Que vous a-t-il fait ?

En quelques mots, James mit le père d’Emma au courant de ce qui s’était passé.

M. Berney avait d’abord écouté assez patiemment le récit du jeune